Aussi loin que remonte la mémoire collective, les humains se sont réunis, souvent en cercle, accompagnés du son des percussions comme le tambour chamanique. Le tambour et ses rythmes répétitifs ont toujours eu une place d’honneur au sein des rituels mystiques et chamaniques.
Par la répétition jusqu’à l’ivresse, par le chant, la danse et le rituel, s’effectuent l’entrée dans un état de conscience second, la trance, ou l’extase. En accédant à cet état, les participants d’un cercle shamanique s’adressent aux mondes invisibles et entrent en contact avec la dimension spirituelle. Le rituel permet d’ouvrir les portes entre les mondes, il vise à affaiblir l’ego, et invite le sujet à entrer en syntonie avec le groupe et son environnement.
Traditionnellement, le chaman guide la cérémonie, où les participants entrent en communion mystique. Le son du tambour appelle les esprits, et indique l’entrée dans une autre dimension. Le tambour chamanique participe d’une technique extatique millénaire qui continue de perdurer. Pour comprendre comment le tambour intervient dans le rituel chamanique, il est utile de le placer dans son contexte d’usage : le chamanisme, qui possède différent visages autour du globe.
Sommaire
Le chamanisme, brèves notions
Le chamanisme est un large ensemble culturel qui caractérise des populations indigènes au travers du monde. Si chaque culture possède ses propres croyances et rituels, le chamanisme dans son ensemble repose sur un paradigme de croyances communes. Il perçoit l’univers comme un continuum de vie dont nous faisons partie. Ce continuum s’étend aux mondes invisibles, ou monde des esprits, auquel on accède par l’intermédiaire de la trance, du chaman, des plantes, des sons et des rituels.
La communication avec le tambour chamanique
Dans ce monde des esprits, nous pouvons communiquer avec les défunts, les esprits des plantes, des animaux et de l’ensemble du vivant. On peut aussi y entrer en communication avec les éléments : l’eau, la terre, l’air, le feu. Si la communication peut s’établir avec le monde des esprits et du vivant, elle peut aussi s’établir avec l’inconscient, l’intuition, et le monde intérieur du participant.
Généralement le chaman guide et codifie le voyage d’un état de conscience quotidien à un état de conscience altéré. Pour accéder à cet état, l’individu doit se défaire temporairement de son conditionnement social et culturel, dépasser son ego, pour entrer en contact avec le grand tout dont il fait partie et qu’il contient. Cet état de conscience se rapproche des états atteints en hypnose. Le participant entre alors dans un état de conscience ou les notions du temps et de l’espace sont altérées. La perception de soi, de son corps et de son environnement peut être modifiée.
Les rituels visent à créer un espace dans lequel cela est possible, généralement sous la supervision d’un ou plusieurs chamanes, en collectif ou isolément. Le tambour est un instrument clef de ces rituels pour beaucoup de cultures. Par la répétition rythmique, il participe à l’induction du passage à un état de conscience altéré.
États de conscience altérée et ondes thêta
Pourquoi fait-on usage de rythmes répétitifs pour entrer en transe ? Les sciences cognitives se sont intéressées à ces processus et observent que le stimulus répétitif est le meilleur catalyseur des changements de conscience observés en mesurant les ondes cérébrales (alpha, bêta, gamma, delta, thêta).
La fréquence répétitive des tambours correspond aux ondes Thêta, ondes de l’état de conscience mesuré chez une personne méditant ou sous hypnose. Approximativement situées entre 3 et 8 Hz, les ondes thêta correspondent à un état lucide entre éveil et sommeil. Où bien que l’esprit soit vigilant, le corps détendu, engourdi voire endormi. Lorsque les ondes thêta dominent, nous pouvons accéder à des éclairs de lucidité, des compréhensions fugaces, de moments de clarté mentale. Le tambour participe à l’induction de cet état d’éveil spirituel.
Usages traditionnels du tambour chamanique
Au travers des chamanismes, le tambour est plus qu’un simple outil, c’est un objet sacré à la symbolique forte. On dit qu’il soutient le rythme du monde, qu’il établit le lien entre la terre et les cieux.
Libérer les émotions grâce au tambour chamanique
Les percussions et les tambours répétitifs permettent de faire tomber les carapaces, et de faire surgir les émotions. On associe généralement cela à la joie, mais cela s’applique à toutes les émotions. En Afrique de l’ouest, certaines tribus font appel au tambour lors des cérémonies funéraires pour faciliter l’expression de la peine.
Le tambour des Premières Nations d’Amérique
Pour les Premières Nations d’Amérique du Nord et centrale, notamment chez les Lakota, les Apaches et les Cherokees, le tambour est un élément rituel clef. Pour beaucoup de tribus, la confection de son tambour représente une étape initiatique chamanique.
La confection initiatique du tambour chamanique
Traditionnellement, le tambour se confectionne avec la peau d’un animal qui entre dans le rituel. L’élan, le cerf ou l’animal choisi doit avoir été abattu par l’initié. Ainsi, c’est avec de la peau de l’animal abattu qu’il ou elle confectionne son tambour. De plus, l’initié entre en contact avec l’esprit de l’animal qui a donné sa peau au tambour lorsqu’il le fait résonner. Le tambour est donc un objet sacré personnel qui lie les âmes. Dans la confection, s’ajoutent d’autres éléments et symboles symbolisant l’ascension spirituelle de l’initié ou son lien avec des esprits connexes, comme des plumes, des perles ou des rubans.
Symbolique du tambour chamanique Lakota
Le tambour représente le monde. Le cercle représente la vie, le tout. Le cercle, c’est aussi la roue de médecine, qui contient les quatre directions et les animaux totems. Le tambour est un microcosme mais c’est aussi le véhicule qui permet de se déplacer dans les mondes invisibles. Dans la mythologie Lakota, l’esprit du chaman enfourche l’esprit de l’animal qui a fourni la peau du tambour. Ensemble, ils s’envolent et entreprennent le voyage chamanique. Pour les Lakota, le tambour ne représente pas moins que le battement du cœur de leur nation.
Le tambour dans le chamanisme sibérien
Bien que le tambour marque de nombreuses cultures, il est particulièrement central au chamanisme sibérien et en Mongolie. Frappés avec un bâton de bois, les tambours sibériens sont souvent ornés de clochettes et de rubans. Une cérémonie spécifique visant à « éveiller » le tambour se pratique lorsqu’un chaman reçoit un nouveau tambour. Dans cette culture, on offre souvent le tambour.
Le tambour chamanique en cérémonie
Au travers des continents, le tambour accompagne le voyage chamanique. Dans le cadre des cérémonies chamaniques le tambour sert de point de référence au participant. Il fournit un ancrage temporel et spatial qui lui permet de revenir à son corps et à ses sens. Le tambour assure donc le lien entre les dimensions.
De manière générale, les rythmes du tambour se basent sur une accélération progressive en intensité, et présentent un grand nombre de similarités techniques au travers des variantes culturelles.
Lorsque le tambour est joué, il restaure le lien entre terre et ciel. Il équilibre ceux qui jouent et ceux qui écoutent, chantent ou dansent à son rythme. Le tambour est accompagné de chants et d’incantations. Le rythme du tambour représente aussi le rythme de la terre mère, pour la plupart des premières nations.
La connaissance de l’effet des chants, sons et rythmes choisis est héritée d’un patrimoine ancestral. Ces patrons musicaux ont des effets particuliers sur le corps et l’esprit. Les chamanes choisiront donc un chant, un rythme spécifique en fonction de l’intention du rituel.
Le tambour chamanique, un puissant instrument de syntonie intemporel
Au travers de la musique et des contacts avec les premières nations, le tambour chamanique a fait son entrée dans la panoplie moderne des instruments spirituels. Pratiqué seul ou en cercle, le voyage shamanique nous fournit un portail vers l’invisible et continue d’être pratiqué. Il existe des groupes de pratique de tambour chamanique. Ce regain d’intérêt pour les pratiques chamaniques se base sur une tradition ancestrale, l’une des plus anciennes que l’humanité connaisse.
Rentrer en contact avec l’univers
Le tambour est un instrument de syntonisation. Il permet de rentrer en contact avec le rythme de l’univers, le rythme de la nature et de l’harmonie universelle. Traditionnellement, tout est rythme et fréquence, et dans les chamanismes, les personnes, les plantes ou les esprits possèdent tous leur propre chanson, leur propre rythme et leur propre mélodie. Cette symphonie universelle qu’est la vie se rejoint au son du tambour.
Le cycle régulier du tambour représente l’ordre de l’univers, la succession des saisons, le rythme des marées, le battement du cœur du monde.
Un héritage symbolique
Ce puissant héritage traditionnel et symbolique, couplé aux changements de conscience observables que le tambour produit dans le cadre cérémoniel, fait du tambour chamanique un instrument qui défie le temps. Il continue de faire résonner le rythme de la création divine, le Wakan Tanka des Premières Nations.
*Références : ouvrages de Michael Drake